Lucie Réguillon-André est la Directrice Générale de ASF 4.0, (Advanced Shoe Factory), la première usine française qui automatise la fabrication de chaussures de sport, et qui relocalise cette industrie stratégique en Europe. On revient avec elle sur la création d’ASF, son parcours, et les ambitions qu’elle porte avec cette levée de fonds en cours sur Lita. Rencontre.
Résumé
ASF 4.0 est l'usine Made in Europe qui révolutionne l'industrie de la chaussure de sport, grâce à des process d'automatisation innovants, tout en réduisant les émissions de Co2 de 55% par rapport à la production d'une chaussure classique.
Aujourd'hui en levée de fonds sur Lita, elle souhaite financer une deuxième usine au Portugal, pour produire plus d'1,5 million de paires low impact par an.
Le textile, comme marque de fabrique
Avec un master marketing du textile en poche, Lucie Réguillon-André démarre sa carrière en 2011 dans le groupe français Chamatex, spécialiste des textiles techniques, et maison mère d'ASF 4.0. Elle passe par différents services, notamment en R&D au développement de produits techniques.
À la suite de ce premier chapitre professionnel, elle décide finalement de rejoindre un équipementier dans l’aéronautique, “pour y faire mes armes”, raconte t-elle.
“J’ai beaucoup appris lors de cette période. C’est à ce moment là que je travaille en particulier sur de nouveaux procédés de fabrication industrielle. Une expérience qui me servira au moment de mon retour dans le groupe Chamatex quelques années plus tard pour le projet ASF 4.0…”, raconte Lucie.
Au bout de 6 ans dans cette entreprise de l'aéronautique, Lucie démissionne pour rejoindre son mari Gilles Réguillon, Président du groupe Chamatex qui lui propose de lancer ensemble le projet ASF, une usine dédiée à la fabrication de chaussures de sport, en automatisation.
“Avec Gilles, on s’était toujours dit qu’on aimerait monter un projet ensemble. Après une période de gestation avec Bertrand Barré - Président de Groupe Zebra, Siemens - leader mondial de la digitalisation de l’industrie et Salomon la première marque qui s’engageait dans l’aventure, il avait décidé de lancer cette usine pour y fabriquer des chaussures de sport de façon automatisée. Il m’a alors proposé de le rejoindre pour créer la société, démarrer le projet, et c’est comme ça que l’aventure ASF a commencé ! ”, explique Lucie.
Le tissu “Matryx”, le point de départ de ASF 4.0
Le groupe Chamatex a développé un textile technique le “Matryx”, qui s’adapte particulièrement bien à la chaussure de sport, et notamment au trail & au running. Ses propriétés ? Il est très léger, résistant à l’abrasion, et respirant. Il peut aussi être utilisé pour fabriquer des chaussures de tennis ou de foot.
Entre 2013 et 2018, Chamatex dépose deux brevets sur le textile Matryx, avant de le développer commercialement entre 2016 et 2018. Aujourd’hui, le Matryx représente une part importante du CA, et est l’un des piliers du succès de l’entreprise. C'est aussi une innovation reconnue dans toute l'industrie du sport, et utilisée par des dizaines de marques (dont Babolat, Salomon, Hoka, Puma, the North face, Kiprun Aigle...etc).
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Mais rapidement, la cheffe d'entreprise est confrontée à un problème : comment proposer des chaussures à des prix aussi compétitifs que celles fabriquées en Asie du Sud-Est (là où se concentre la majorité de la production) ?
La fabrication en automatisation apparaît comme une solution évidente : elle pourrait permettre d’assembler un maximum d’éléments plus rapidement, avec des coûts en main d’oeuvre moins importants.
“On commence alors à développer une ligne automatisée qui va permettre d’assembler les différents éléments par thermocollage, plutôt que par couture, ce qui accélère considérablement les process de fabrication, et nous permet de gagner du temps à chaque étape”, explique Lucie.
La première usine ASF voit le jour en Ardèche, et est inaugurée en 2021. Aujourd'hui, elle emploie 80 personnes à temps plein, et fabrique des chaussures pour les plus grandes marques de sport : Salomon, Babolat ou Millet, devenues aussi actionnaires du projet. Depuis 2022, plus de 100 000 paires de chaussures de sport ont déjà été fabriquées.
“On arrive à produire des chaussures de qualité pour des marques de sport de renom. Avant ça, je n’avais jamais fabriqué de produit fini de ma vie, et c’est une grande fierté !”, raconte Lucie.
Relocaliser un savoir-faire industriel perdu
L’ambition de ASF 4.0 est claire : relocaliser en Europe une industrie stratégique, tout en réduisant l’impact carbone du secteur.
Par rapport à une chaussure produite en Asie du Sud-Est, celle de ASF 4.0 permet une réduction des émissions de Co2 de 55%.
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Pour poursuivre son développement, ASF 4.0 se lance dans une levée de fonds citoyenne avec Lita, à hauteur de 1,5M€, et aux côtés de Chamatex Group porté par ses actionnaires BPI et Yotta Capital (pour 4,5 M€), de Business Angels industriels et sportifs, dont le champion olympique Teddy Rinner (pour 1,6M€), et d'investisseurs portugais de renom, dont Carlos Tavares, ancien CEO de Stellantis (pour 3,6M€). Son objectif ? Financer une deuxième usine au Portugal, destinée à produire plus d’1,5 million de paires de chaussures low impact par an d’ici 2030.
“Si on a choisi de s'implanter au Portugal, c'est parce qu'il y a déjà un savoir-faire et un écosystème autour de la chaussure qui est très présent. Beaucoup de nos fabricants de machines sont aussi au Portugal, c’était donc cohérent d’installer notre deuxième usine là-bas”, explique Lucie.
"On est convaincus que notre projet peut toucher beaucoup de gens. Tout le monde achète des chaussures de sport. Nous ce qu’on veut montrer, c’est qu’on peut en produire en Europe, et de façon plus écologique, c’est notre pari !" conclut Lucie Réguillon-André.
Avec le textile Matryx, on avait déjà une bonne partie du produit. Alors on avait envie d’aller encore plus loin : en fabriquant nous-mêmes les chaussures de A à Z. On voulait faire le produit final.
Ce qui me rend fière au quotidien ? Avoir créé des emplois et faire vivre des familles. Aujourd’hui, ASF, ça représente près de 80 emplois. Je me lève chaque matin pour ça, pour la fierté de retrouver mes équipes, et d’avoir réussi à embaucher dans un secteur où beaucoup reste encore à faire.
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